dimanche 13 octobre 2013

Éloge de la discipline

 
« C’est une erreur fatale de fonder la santé sur la partie animale de l’homme : la résistance physique prend bien plutôt sa source dans la noblesse de l’esprit et des mœurs. Si ce n’est pas toujours exact de l’individu, ce l’est d’autant plus de la masse : la force d’un peuple est la conséquence de ses bons sentiments, jamais l’inverse. C’est pourquoi Lindner avait donné un soin particulier à l’éducation de ses frictions : il évitait la brutalité de l’ordinaire idôlatrie virile et intéressait à l’opération l’ensemble de sa personne en associant les mouvements de son corps à de beaux devoirs intérieurs. Il abhorrait, en particulier, le culte dangereux de l’énergie qui, venu de l’extérieur, devenait déjà l’idéal de quelques-uns de ses compatriotes : l’un des premiers buts de ses exercices matinaux était de l’en détourner. Il lui substituait avec mille précautions une attitude plus politique dans l’usage athlétique de ses membres ; il accordait la tension de la volonté avec d’opportuns relâchements, la victoire sur la souffrance avec une intelligente humanité ; et lorsque son exercice final, destiné à éduquer le courage, l’amenait à sauter par dessus une chaise couchée sur le sol, il y mettait autant de circonspection que d’assurance. Un pareil déploiement de possibilités humaines faisait de ces exercices physiques, depuis quelques années qu’il s’y adonnait, de véritables exercices spirituels. »

Robert Musil, L’homme sans qualités.

1 commentaire:

  1. La femme sans qualités s’adonne parfois à résistance stérile, lorsque ses hormones sont en paix, mais ni les géniteurs, ni les produits génétiques ne donnent leurs assentiments – ils le font avec de bons sentiments- ;-)

    Max'

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